Le 10 mai dernier, la FDSS a dévoilé les résultats de presque deux années de recherche-action auprès des travailleur·ses du sexe et de travailleur·ses sociaux sur la prostitution et l’accès aux droits sociaux.
Dans la grande salle de la Tricoterie, rappelant que les moyennes prises comme référence occultent généralement la réalité des minorités, où les problèmes s’expriment plus vivement, Céline Nieuwenhuys a détaillé en quoi cela alimentait des politiques publiques qui, ne tenant pas compte des endroits où les difficultés sont les plus grandes, accentuent la marge. Quand elles ne façonnent pas tout simplement les écarts.
Les constats de l’enquête
Prostitution et accès aux droits sociaux
Spécifiquement focalisée sur la prostitution, l’enquête menée par les Lotte Damhius et Charlotte Maisin entre 2020 et 2022 documente la manière dont les services sociaux participent à l’exclusion - à travers le non-recours, l'accentuation de la précarité - des personnes concernées et offre des pistes de réflexion sur l'amélioration de leur accueil. Dans les secteurs spécialisés, mais plus largement dans l’ensemble du secteur social.
L’impact de la crise sanitaire dans l’accès aux droits sociaux
La crise COVID a fragilisé l’accès des travailleur·ses du sexe aux soins et au secteur social en général, cependant que leurs conditions de négociations avec les clients se sont détériorées. Pourtant, c’est sans doute la période durant laquelle les besoins étaient les plus vifs, comme l’ont constaté les structures spécialisées telles qu’Alias ou Espace P., où le nombre de demandes d’accompagnement individuel pendant cette période a explosé.
La stigmatisation entretient la précarité
Outre les crises et leur effet grossissant, la stigmatisation de la prostitution pose un problème transversal à tout le secteur social, et particulièrement aux acteurs de l’accompagnement psychologique. On constate dans l'enquête que les personnes concernées par le travail du sexe évitent de le mentionner à leur entourage et aux travailleur·ses sociaux·les. Au contraire, ils et elles auront tendance à produire un discours irréprochable et conforme aux attentes, afin de compenser le stigma. La précarité est pourtant à l’origine de la prostitution pour 80% des personnes interrogées par la FDSS, loin devant la consommation de produits (13%) ou l’emprise (9% des personnes interrogées), et ne s’estompe pas avec celle-ci. En effet, les revenus issus du travail sexuel, car ils sont irréguliers, difficiles à déclarer, à faire valoir, quand ils ne sont tout simplement pas illicites, sont de nature à accroître la précarité, que le non-recours entretient ensuite.
Statut de séjour et accès aux droits
La nécessité d’échapper au contrôle policier et administratif pousse les personnes sans papiers à pratiquer le travail du sexe dans les lieux toujours plus reculés, cachés, où elles ne peuvent pas compter sur le contrôle social. Des lieux où elles ne peuvent compter ni sur la protection, ni sur l’intervention de la police qui, quand une personne prostituée est victime d’agression, confend protection et répression. De la même manière, l’Aide Médicale Urgente n’est pas systématiquement accordée, malgré son inscription dans le droit. Pourtant, les personnes sans papier concernées la prostitution sont souvent dans des logiques de survie qui restreignent leur marge de négociation. Ces logiques les poussent à accepter des pratiques plus risquées, parce qu’elles sont mieux rémunérées.
Deux publications pour approfondir
Pour approfondir, les deux enquêtes sont consultables en ligne:
- https://www.fdss.be/fr/publication/prostitution-et-acces-aux-droits-la-portee-politique-du-travail-social/
- https://www.fdss.be/fr/publication/prostitution-et-acces-aux-droits-la-portee-democratique-du-travail-social/